Je suis tombée il y a peu sur cet article (en anglais) de Kelly McMorris et il m’a semblé si pertinent que j’ai décidé de vous le traduire. Que vous soyez auteur auto-édité ou éditeur ou n’importe qui ayant besoin des services d’un illustrateur, ces quelques conseils pourraient bien vous être très, très utiles. Juré. Parole d’initiée. Note : les phrases en italique dans ce texte seront des ajouts et des remarques personnelles).
Quand on s’auto-édite, on doit porter plusieurs casquettes – éditeur, graphiste, commercial – et parfois toutes les cumuler. Ça inclut, entre autres, d’être votre propre directeur artistique et donc de prendre contact avec des illustrateurs. En tant qu’illustratrice, les mails que je reçois de la part d’auteurs auto-édités sont souvent, au mieux, vides d’informations, et au pire frôlent l’insulte. Si vous désirez travailler avec un illustrateur professionnel, il est essentiel d’envoyer un email digne de ce nom. Voici comment augmenter vos chances de donner une première bonne impression.
LES 5 CHOSES À NE PAS FAIRE
Ne commencez pas en disant à quel point votre budget est limité. Imaginez, si quelqu’un débarquait dans votre bureau et que les premiers mots sortant de sa bouche soient “je n’ai pas de quoi vous payer !”. Est-ce que vous répondriez “chouette, dites-m’en plus !” ? Les illustrateurs reçoivent énormément de demandes pour du travail sous-payé, voire pas payé du tout. On ne s’attend pas à ce que tout le monde roule sur l’or, en particulier les auteurs auto-publiés (et les petites maisons d’édition), mais rien n’est plus exaspérant que quelqu’un démarrant une conversation par son manque de budget.
N’essayez pas de minimiser la quantité de travail. Les illustrateurs voient les phrases du genre “Juste quelque croquis rapides” comme une manière détournée de dire “Je ne peux pas beaucoup vous payer et j’aimerais que vous soyez d’accord”.
Ne vous extasiez pas sur votre projet si excitant, spécial, un best-seller garanti ou une opportunité unique. Vous n’avez pas à présenter votre projet à un illustrateur comme vous le feriez à un éditeur. Ce qui intéresse d’abord l’artiste, c’est de connaître le type d’illustration à fournir, le délai et le budget. Ce n’est pas la peine de le convaincre que votre roman est le prochain grand succès littéraire, vous risquez de passer pour quelqu’un de prétentieux et, éventuellement, à côté de la plaque.
Ne demandez pas à l’illustrateur d’imiter le style d’un autre artiste. Ce que l’illustrateur entendra, c’est “je voulais travailler avec cet autre artiste mais je n’ai pas le budget pour, vous allez donc le copier, pour moins cher.” Le book d’un illustrateur vous donne une idée très précise de ce que vous aurez – si ce n’est pas ce que vous voulez, ne l’employez pas.
Ne mentionnez pas que “ça nous fera de la pub”. On l’entend si souvent qu’on préfère en rire, mais la pub ne paie pas les factures. Pour nous, c’est une autre manière détournée de dire “j’essaie de compenser le fait que je ne peux pas beaucoup vous rémunérer.” Un illustrateur est capable d’évaluer l’ampleur de l’exposition dont il pourrait bénéficier en fonction du type de projet que vous proposez. Inutile de le mentionner.
LES 5 CHOSES À FAIRE
Commencez votre email avec un compliment, expliquez comment vous avez découvert l’artiste, et quels travaux vous ont amené à penser qu’il correspondait à vos attentes. Un peu de flatterie ne fait jamais de mal, et être précis différencie votre email des dizaines d’autres mails standards envoyés à des centaines d’autres artistes. Également, appelez-les par leur nom. (J’émets quelques réserves concernant la flatterie. En ce qui me concerne, c’est un procédé qui me met mal à l’aise. Si vous n’avez pas envie d’en faire, n’en faites pas, et si vous y tenez, n’en faites pas des tonnes. Soyez simplement honnête.)
Décrivez votre projet de manière simple et brève. Par exemple, “j’écris un recueil de poèmes sur la nature californienne”, ou “je travaille sur un roman jeunesse à propos d’un garçon qui part en voyage scolaire au Mexique.” Vous êtes auteur, vous pouvez le faire. Je crois en vous. Si vous ne pouvez pas décrire votre projet parce que vous ne savez pas encore trop de quoi il s’agit, ou si tout ce que vous avez est une vague idée… ne contactez pas les illustrateurs. (Attendez de connaître votre roman, pas de savoir ce que vous désirez sur la couverture : si vous hésitez à propos de que vous souhaitez, dites-le simplement à l’illustrateur, et vous pourrez en discuter.)
Décrivez exactement le nombre et le type d’illustrations dont vous avez besoin : leur nombre, leur taille, couleur ou noir et blanc, ce pour quoi elles seront utilisées. Par exemple, “douze illustrations en noir et blanc, type croquis, des plantes et d’animaux californiens, pour utiliser comme en-têtes de chapitres”, ou “une couverture de roman représentant le personnage principal devant une petite église dans le fin fond de la campagne mexicaine”. Si vous ne savez pas comment décrire vos besoins, essayez de demander autour de vous, à d’autres auteurs par exemple, quelques infos sur les termes employés en illustration. (ou à Google.)
Donnez votre délai. Demander à un artiste s’il est “disponible” ne veut rien dire sans avoir une idée de votre deadline. Si vous êtes flexible, demandez-lui combien de temps il pense mettre à réaliser votre commande. Plus il aura de temps, mieux ce sera. Souvenez-vous que la plupart des illustrateurs travaillent sur plusieurs projets à la fois ; si vous êtes pressé, ils devront sans doute refuser d’autres commandes afin de faire passer la vôtre en priorité. Mais si vous avez le temps, ils peuvent en cumuler plusieurs sans problèmes.
Si vous avez déjà un budget pré-établi, donnez-le sans vous excuser ou donner d’explications superflues. Sinon, demandez à l’illustrateur combien il facturerait ce type de travail, ou s’il a besoin de plus d’information afin d’établir son devis.
Un exemple d’email complet que vous pourriez envoyer :
Bonjour Tiphs, J’ai trouvé ton book sur Deviantart et j’ai vraiment apprécié ta palette de couleur et l’émotion se dégageant de tes dessins, en particulier de ta collection de baleines volantes. Je suis à la recherche d’un illustrateur pour réaliser une couverture et quinze petites illustrations en noir et blanc pour mon roman jeunesse, auto-publié, à propos d’un homard qui devient un célèbre chanteur de K-POP. J’aurais besoin de ces illustrations pour mi-août. Concernant le budget, je ne connais pas bien les tarifs pour ce genre de travail, je suis donc ouvert à la discussion pour qu’on se mette d’accord sur un prix juste et en accord avec un projet de cette ampleur. N’hésitez pas à me dire si vous avez besoin de plus d’informations. Merci pour votre temps !
C’est court, poli et ça donne toutes les informations principales : le type de travail, le budget, le délai. Il n’y a pas de flatterie excessive ou de promesses de “pub”, ni de richesse à venir grâce à ce “best-seller garanti”.
Beaucoup d’illustrateurs apprécient de travailler avec des auteurs auto-édités, quand ceux-ci savent communiquer clairement et de manière respectueuse. Avec ces informations, vous avez toutes les cartes en main pour contacter des illustrateurs !
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Bien sûr, les 5 choses à faire relèvent du simple bon sens, surtout quand on les a sous les yeux. Pourtant, il est étonnant de voir comme la plupart des gens les oublient. En ce qui me concerne, trois bons quarts des emails que je reçois sont au mieux incomplets, et au pire remplis des 5 choses les plus horripilantes à ne pas faire, avec un chouette combo “j’ai pas de sous mais je suis exceptionnel alors fais-le pour l’amour de l’art, pour la passion et pas pour l’argent, espèce de capitaliste.”
Et si vous voulez savoir comment ça se passe, le travail avec un illustrateur, direction cet article !
Enfin, je me permets une petite parenthèse à propos du délai de réponse aux emails qu’un illustrateur peut avoir : calculer un devis demande du temps, surtout si la personne en face n’est pas claire d’entrée de jeu. Personnellement, je me fixe un jour dans la semaine pour répondre aux emails, quand je ne suis pas débordée. Quand je le suis, je vais être franche, je fais d’emblée le tri entre les demandes qui m’intéressent (très important), celles qui me semblent sérieuses (une rémunération digne de ce nom, un minimum d’informations…) et ne réponds qu’à celles-là.
Quand on sait que les trois quarts des gens qui nous contactent ont prospecté des dizaines d’autres illustrateurs (normal) et qu’ils nous préviendront rarement s’ils refusent notre devis, je n’ai pas de scrupule à économiser mon temps. Je préfère me concentrer sur ce qui me rapportera vraiment de l’argent (factures, factures), respecter les délais de mes clients actuels, et répondre aux éventuelles relances qu’on m’enverra – il y en a peu.
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