Jusqu’à très récemment, pour moi, la réécriture était quelque chose d’un peu abstrait et de très, très effrayant, une sorte d’épreuve dont seuls les auteurs les plus forts sortaient vainqueurs. J’avais l’impression que réécriture voulait dire effacer la moitié de son texte, réécrire des scènes entières et ça me paraissait insurmontable.
Et puis j’ai commencé à corriger et réécrire Le Chant des voiles. Et j’ai découvert que la réécriture, EFFECTIVEMENT, c’est du boulot. Ça peut virer carrément à l’obsession et il faut bel et bien tailler dans le vif pour rectifier le rythme, et réécrire des passages entiers pour améliorer la cohérence de la trame. Sur le fond, l’expérience de la réécriture ne m’a pas déçue par ses challenges, mais ils n’avaient, finalement, rien de surprenant ni de sorcier : il suffit juste d’avoir du temps à y consacrer. Pour le reste, après avoir rédigé un roman entier, je pense qu’on est tous capables de passer cette étape avec succès.
Par contre, s’il y a bien une chose à laquelle je ne m’attendais pas, c’est la difficulté qu’a représentée la correction de la forme. Avec le recul, tous mes tics d’écriture m’ont sauté au visage, sans parler des problèmes de rythme ou de la sur-utilisation des auxiliaires, participes présent et autres “qui que quoi”.
Cet aspect-là de la réécriture m’a donné le plus de fil à retordre. 500 pages de corrections et de nombreux articles de conseils (plus ou moins utiles) plus tard, me voici avec ma propre recette pour améliorer la forme de son texte sans l’altérer. (Notez qu’il ne s’agit pas d’une vérité universelle et incontestable : chacun possède ses propres méthodes, qui peuvent s’avérer diamétralement opposées aux miennes. Néanmoins, libre à vous de piocher ici ce qui vous semble pertinent dans votre cas, et de m’offrir du chocolat pour me remercier.)
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1 – Éviter de multiplier les désignations des héros.
Par exemple, mon héros, Axel, est un jeune homme travaillant comme maître-coq à bord d’un navire, supérieur hiérarchique direct de Luka, mon héroïne. Dans le premier jet, les chapitres étaient truffés de “le brun”, “son supérieur”, “le maître coq”, “le jeune homme”, “le matelot” et j’en passe, simplement pour éviter les répétitions du prénom Axel et du pronom “il”.
Mais, à multiplier ainsi les noms, on alourdit plus le texte qu’autre chose et on risque de perdre le lecteur (imaginez une scène avec cinq personnages tous désignés par cinq ou six termes différents !), et il vaut parfois mieux se répéter un peu plutôt que partir dans tous les sens.
Alors j’ai fait quoi ?
J’en ai choisi deux, trois au maximum, interchangeables selon le contexte, et je m’y suis tenue. Par exemple, votre Prince Philippe peut être simplement “le jeune homme” ou “Philippe” en compagnie d’Aurore, et devenir “le prince” dans un contexte plus officiel.
Le petit truc pour que ça marche : Se relire à haute voix. On lit plus vite que l’on écrit, et on ne se rend pas toujours compte de la fréquence d’utilisation des mots lors de la rédaction. De plus, il se peut qu’on ait évoqué quelqu’un d’autre entre temps, ou un lieu, et que le “il” de votre phrase ne se rapporte plus à votre héros, mais à un autre personnage ou à un objet.
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2 – Gérer les subordonnées relatives
C’est un de mes tics d’écriture les plus marqués. J’en mets partout, c’est la première chose qui me vient quand j’écris une phrase, alors qu’en fait, en réfléchissant un peu plus, il est possible de les éviter.
Par exemple, la construction “c’est… qui” s’annule presque toujours : “C’est cette conviction qui l’aidait à supporter la rudesse du quotidien” peut être remplacée par : “Cette conviction l’aidait à supporter la rudesse du quotidien.”
Pour le reste, c’est une simple question de formulation. Ça demande un peu d’entraînement, mais une fois maîtrisé, ça vient (presque) tout seul : “Le vent souffla pour lui pendant tout le temps que dura son quart” >> “Le vent souffla pour lui durant tout son quart.”
Le piège à éviter : vouloir tout éradiquer. Parfois, les subordonnées sont nécessaires au rythme, et les enlever peut rendre votre texte bancal. Essayez de trouver le bon équilibre en clairsemant un peu les rangs, afin d’éviter qu’il y en ait trop concentrées au même endroit. Encore une fois, se relire à voix haute aide beaucoup pour rendre compte du rythme et de la musicalité de son texte.
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3 – Limiter les verbes d’incise
Il est inutile de ponctuer chaque phrase d’un “rugit-il” ou “répliqua-t-elle”. Si vos personnages dialoguent, on se doute que l’un répond à l’autre, et la ponctuation joue souvent un rôle suffisant pour que le lecteur puisse deviner le ton.
Exemple : — Oh ça va ! s’écria-t-elle ⇒ On a compris qu’elle crie, inutile de le dire, c’est redondant. — C’est quoi ton problème, sinistre crétin ?! demanda-t-elle en s’énervant ⇒ Là encore, l’usage de la ponctuation, doublé du vocabulaire adéquat, suffisent à deviner que la personne ne murmure pas et n’est pas au comble de la joie.
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4 – Attention aux pléonasmes
“Comme par exemple”, “voire même”, “le but final”, “le seul et unique”, “au jour d’aujourd’hui”, “un faux prétexte”, “une autre alternative”, “s’avérer vrai”, “risquer de menacer”, “impact notable”, “voir de ses yeux”… sont autant de pléonasmes à traquer dans votre texte pour l’alléger. .
. 5 – Virer les compléments superflus
“Elle le regarda un instant, pensive.”
On se doute bien qu’elle ne va pas le regarder pendant des heures, sans quoi on le préciserait. De manière générale, il n’est pas utile de donner des précisions tant qu’on ne sort pas de la norme. Par exemple, on ne dira pas qu’il pleut dehors, le lecteur se l’imagine déjà lorsqu’on évoque le temps qu’il fait, en revanche on précisera s’il se met à pleuvoir dedans, car ce n’est pas commun. La même chose s’applique pour un ballon rond, se taire un moment, prendre une douche chaude, manger son repas…
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6 – Ne pas trop répéter les informations.
On a tous envie que le lecteur comprenne bien de quoi on parle, de faire en sorte qu’il n’oublie pas le moindre détail de ce que vous avez expliqué il y a deux ou trois ou six chapitres. Alors on le répète de temps en temps, comme une piqûre de rappel :
“Ils avaient besoin d’elle, sans quoi leur accord avec X ne tiendrait plus. Depuis que Y avait brûlé la carte avant de mourir, il était le seul à connaître les coordonnées précises de leur destination.”
Cet accord et les raisons ayant mené à le conclure ont déjà été détaillés plus tôt, et je vous assure que vos lecteurs ne sont pas débiles : ils s’en souviennent, et il n’y pas forcément besoin de leur rafraîchir la mémoire toutes les dix pages. Au pire, ils auront oublié quelques détails mais se souviendront de l’essentiel, et c’est le plus important. Vous pouvez alors enlever la deuxième phrase pour gagner en fluidité.
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7 – Point trop ne faut de phrases courtes.
J’adore foutre des points partout. Ça marque le rythme, ça hache le texte et ça fait monter suspeeeensme, bref, ça donne un puta!n de style. Oui, mais est-ce que ça sert toujours le texte ? Est-ce que ça ne le rend pas plus difficile à lire ? Parfois, la réponse est oui. Parfois, fusionner deux phrases permet de supprimer des verbes et de fluidifier la lecture.
“Il fit un pas vers elle. La saisit par le bras.” ⇒ “Il fit un pas vers elle et la saisit par le bras” “C’était un problème épineux. Il fallait qu’il le règle au plus vite.” ⇒ “Il lui fallait régler cet épineux problème au plus vite.”
À vous de voir, il n’y a pas de recette miracle pour savoir quelles phrases méritent d’être fusionnées ou non, je laisse ça à votre entière appréciation.
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8 – Bon courage avec les auxiliaires !
Vraiment, bon courage. Il n’est pas évident d’écrire des phrases sans utiliser à outrance les verbes “être” et “avoir”. Quand j’ai commencé à me soucier un peu de ma façon d’écrire, la sur-abondance des auxiliaires dans mes phrases m’a sauté aux yeux. Le souci, c’est qu’il n’existe pas de recette miracle pour les remplacer : il faut juste s’entraîner à formuler ses phrases différemment et, à force d’entraînement, ça finit par venir tout seul.
9 – Traquer les verbes ternes
Dans la même veine que les auxiliaires, on appelle “verbes ternes” tous les verbes imprécis que l’on a tendance à utiliser à outrance pour se faciliter la vie. Faire, mettre, voir, dire, sentir, pouvoir, sembler… alors qu’il en existe plein d’autres qui correspondent davantage à la situation décrite.
Pour remplacer le verbe dire, cet article vous aidera sûrement. Pour le reste… là encore, tout est une question d’équilibre : parfois, ces verbes sont les plus adaptés à votre phrase et il vaut mieux les laisser, parfois non. À vous de choisir lesquels remplacer et lesquels garder.
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Voilà, c’est tout et c’est déjà pas mal ! Partagez vos astuces en commentaires !
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